Vous découvrirez ici au fil du temps l’histoire du centre Imala, de ses prémices à sa réalisation, avec comme fil conducteur l’amour entre moi et les animaux qui partagent ma vie. Elles sont diffusées chapitre par chapitre, au gré de mes inspirations. Elles sont issues de ma mythologie personnelle, dans laquelle les animaux parlent et ressentent comme nous, même lorsqu’ils ne sont plus de ce monde… Prenez ce qui vous plaît, au gré de vos croyances!
Lipzou
Cette époque a été la pire de ma vie, si on oublie celle où ma mère est morte de coliques dans
notre pré, en me laissant orpheline à six ans (nous n’avions jamais été séparées). Bon, à
l’époque j’avais une amie trotteuse avec moi, et surtout ma maîtresse qui m’entourait d’amour.
Au bout de quelques années elle est tombée malade, depuis quelques temps je savais qu’une
tumeur poussait dans son corps, et je sentais qu’elle était de pus en plus en prise aux douleurs,
elle venait de plus en plus souvent passer du temps avec moi dans mon pré, et puis un jour
elle est venue me saluer pour la dernière fois, et m’a prévenue qu’elle ne pourrait pas revenir.
Nos adieux ont été déchirants. Et ensuite, finies les belles journées où elle venait me voir avec
des carottes et des granulés, et où elle s’asseyait sur son relax dans mon pré au soleil jusqu’à
ce que je vienne lui brouter les cheveux. Finis nos jeux autour du rond de longe avec la
chambrière, quand elle venait me faire courir et qu’on s’amusaient toutes les deux, je pouvais
alors faire ma fière en levant ma queue, en trottant fort et en ronflant, j’étais belle et elle
m’aimais.
D’un coup j’étais seule, ma copine partie aussi depuis longtemps, et J. qui venait juste 5
minutes par jour pour me donner mes granulés et mon foin et repartait aussitôt me laissant à
mon vide et à ma tristesse. Je savais confusément que je ne reverrais pas mon humaine, j’étais
abandonnée seule dans ce pré, avec la maison vide qui allait être mise en vente,qu’est-ce que
j’allais devenir ? J’étais née ici, et je ne connaissais rien d’autre, je ne pouvais pas m’imaginer
ailleurs.
Alors un matin j’en ai eu assez de cette tristesse et de cette solitude, et j’ai décidé de prendre
les choses en main.
Imala
Assoupie dans mon paddock des Cévennes, je laisse errer mon esprit dans les limbes, à la
recherche d’un solution. Je veux vivre avec Nathalie, dans un endroit doux pour elle et pour
moi. Mon esprit monte telle une spirale lumineuse dans le ciel, prend de la hauteur, et se met
sur une fréquence connue de nous seuls les chevaux. Je cherche. Patiemment, le temps n’a pas
d’importance. J’émets, et j’attends. Puis je sors de ma rêverie, je vais manger un peu en
poussant les poulains, et je retourne dans les limbes, j’émets, j’attends. Je ne sais pas combien
de temps passe comme cela, des heures, des jours, des mois ?
Mais au bout d’une longue période, je capte un signal, enfin !!! Une autre jument blanche, qui
envoie sur la même fréquence, elle est seule et triste, elle me montre son endroit et c’est vrai
qu’il est magnifique, elle a peur de le perdre, elle cherche une solution. Nos esprits se
rejoignent et s’entremêlent dans un ballet onirique, le contact est fait et tout est en place pour
que les choses bougent, orchestrées par l’Univers dans un mouvement parfait.
Nathalie
Ce matin là Pierre a chaussé ses baskets et m’a annoncé l’air très fier qu’il partait faire un
footing. Je lui ai répondu qu’il ne faisait jamais de footing, il m’a dit que pas grave, là il en
avait justement envie. Il est parti à petites foulées par le GR, jusqu’à cette maison en pierres
près de laquelle nous aimions beaucoup passer en revenant de promenade, avec un pré devant,
de beaux arbres et une jument blanche dedans, que je venais régulièrement gratifier d’une
caresse car elle me faisait peine. Sa maîtresse était à l’hôpital avec un cancer en phase
terminale, et je sentais beaucoup de détresse chez cette petite jument.
Pierre a rencontré ce jour là sa fille qui venait nourrir la jument, et il a engagé la conversation.
Elle lui a dit qu’elle était chargée de vendre la maison car le propriétaire venait de mourir ,
c’était un grand ami de sa mère qui lui prêtait le pré pour Lipzou. Elle ne voulait pas vendre à
n’importe qui, et ne savait pas quoi faire de Lipzou. Et là Pierre lui a dit sans réfléchir « tu sais
quoi ? Nous achetons cette maison et la jument reste avec nous, nous nous en occuperons ! »
et c’est comme ça que le marché a été conclu, peu de temps après J. nous a fait rencontrer
les héritiers du propriétaire qui habitaient à Paris, et tout s’est enchaîné dans une admirable
synchronicité, l’achat de cette maison dont j’avais rêvé, la vente de l’autre dans la foulée (en
quinze jours ! Payée cash!) notre déménagement, le rapatriement d’Imala et de Phoebus, à la
grande joie de Lipzou, c’était magique, et souvent depuis je me suis demandée, en regardant
les deux juments blanches complices, quelle part elles avaient eu dans tout cela.
Lipzou
Enfin ma solitude a été rompue. Je savais qu’ils allaient arriver, mais je ne savais pas encore à
quoi ils ressemblaient. Mais quand je les ai vu arriver à la maison avec leur camion de
déménagement, je les ai reconnus : c’est eux qui passaient souvent devant mon pré et qui à
chaque fois me parlaient et me caressaient. La femme semblait très bien connaître les
chevaux, d’emblée elle est entrée dans mon pré et elle est venue me voir. Elle m’a expliqué
que dorénavant elle allait prendre soin de moi. Et que bientôt d’autres chevaux arriveraient.
Ce qui me remplissait quand même d’appréhension vu que je n’avais connu que ma mère, qui
était morte depuis quelques années déjà. Nathalie (Imala m’avait dit son nom) était douce,
mais décidée et volontaire. Elle a commencé par me mettre au régime, vu que ma maîtresse
adorée me prouvait son amour en me donnant trop à manger tout le temps, et que je faisais de
la fourbure. Alors j’ai eu faim… Puis elle a fait venir le maréchal, et quand je l’ai vu je me
suis sauvée en courant à l’autre bout du pré, parce qu’il me fait mal à chaque fois celui là en
voulant soigner ma fourbure, il me met des fers à l’envers et il plante des clous dans mes
pieds brûlants c’est terrible. Mais je suis gentille quand même parce que c’est pour mon bien,
en tout cas c’est ce qu’ils disent.
J’ai vu Nathalie froncer les sourcils, et j’ai eu peur de la fâcher parce que je veux qu’elle me
garde ici, je ne connais rien d’autre ailleurs. Alors je me suis laissée attraper et j’ai été sage.
Quand mes fers ont été ôtés le sang a recommencé à circuler dans mes pieds, et pendant
plusieurs jours j’ai eu très mal, je marchais sur des œufs. Puis je me suis sentie de mieux en
mieux. Je redécouvrais le plaisir de courir toute seule dans mon pré. Puis un jour Nathalie m’a
sellée et on est allées faire un petit tour sur le GR qui passe devant la maison, oh mon dieu ça
faisait bien 5 ans que je n’avais pas quitté mon pré et j’étais morte de peur. Heureusement que
j’étais avec Nathalie sur mon dos qui me parlait sans cesse pour me rassurer, elle était si
calme que ça allait quand même. J’avais mal aux pieds alors elle m’a mis des hipposandales
après ça allait mieux et au fil des sorties je me suis mise à apprécier de voir d’autres paysages,
de sentir que je me remusclais, et aussi la complicité avec Nathalie me plaisait beaucoup, elle
s’y connaît en chevaux celle la il n’y a pas à dire.
Elle a constaté que je prenais le mors aux dents au galop -mon père est un champion
d’endurance, bon sang ne saurait mentir ! Alors elle m’a mis un hackamore, et m’a laissée
rênes longues jusqu’à ce que j’apprenne à me cadencer toute seule et au final c’était bien plus
agréable comme ça. Et puis si j’avais peur de quelque chose elle n’hésitait pas à descendre
pour passer devant moi et me montrer que le monstre que j’avais vu derrière un arbre
n’existait pas, ou que la flaque d’eau sur le chemin n’allait pas complètement m’engloutir
quand je mettrais mes pieds dedans. Jamais elle ne s’énervait, même quand je n’arrivais pas à
m’arrêter de trottiner parce qu’on m’avait appris comme ça, je ne savais pas marcher vite.
Quand Imala est arrivée c’était super, on se connaissaient déjà en esprit, elle est devenue ma
référence tout de suite, je faisais tout comme elle parce qu’elle a un caractère de jument
leader, même si elle a perdu de sa force avec l’âge.
Puis après il y a eu Phoebus, c’est le chef et je ne peux pas m’empêcher de l’admirer même
s’il est dur avec nous et nous mort les fesses quand on ne lui laisse pas assez vite la place au
filet à foin.
Puis plus tard Bryum est arrivé, celui-là j’ai pensé que je pourrais le dominer car il est petit,
mais il a du caractère et ça n’a pas marché. Au final je me suis retrouvée à la dernière place de
la hiérarchie, mais ça n’est pas grave, je préfère avoir des amis et ne plus être seule, même s’il
faut partager mon pré et la cabane quand il pleut, ou qu’il fait trop chaud. Cela m’aide à
surmonter la tristesse de la perte de ma maîtresse.
Nathalie et Pierre ont ouvert le pré et fait creuser une rampe pour qu’on aille boire en bas dans
le Tarn, ce que j’ai refusé catégoriquement de faire. Depuis ma naissance je buvais dans un
bidon bleu dans le pré du haut, que ma maîtresse remplissait tous les jours d’eau fraîche, et
devoir mettre mes deux pieds dans la rivière pour boire me remplissait de terreur. Et qui sait
quels horribles monstres pouvaient se cacher sous l’eau, et m’attraper si je trempais mon nez
dedans pour boire ? Nathalie a enlevé le bidon bleu et j’ai eu soif. Puis pendant deux jours elle
est descendue avec moi à la rivière, en licol, et m’a approchée de l’eau, m’a expliqué qu’il n’y
avait pas de monstres, a agité l’eau sous mon nez. Le troisième jour j’ai craqué et j’ai bu, et sa
joie m’a fait plaisir. Elle me pousse tout le temps à me dépasser et j’aime ça en fait. La vie est
si intéressante avec elle !
Elle a fait faire un rond de longe et j’ai été folle de joie, car ma maîtresse jouait souvent avec
moi dans le pré, avec une grande chambrière elle me faisait courir et je pouvais faire ma fière,
la queue en panache et ronflante, en digne fille de pur-sang arabe. Retrouver ces sensations
avec Nathalie c’était un peu faire revivre ma maîtresse disparue et j’étais émue.
Et puis nous sommes partis en randonnée avec C. la jeune fille qui monte avec Nathalie et
qui m’a adoptée, Nathalie et Phoebus en tête. Nous sommes partis trois jours, et je dois dire
que même si j’étais terrifiée au début de partir si loin, et de ne pas dormir dans mon pré pour
la première fois de ma vie, j’ai trouvé ça super de découvrir de nouveaux chemins, de suivre
Phoebus partout avec confiance, d’appendre à marcher plus vite, de brouter de l’herbe de
montagne à la pause de midi pendant que nos humains faisaient la sieste. Ah oui la vie pouvait
vraiment être intéressante ! Je devenais moins timide, et un peu plus princesse comme elles
ont commencé à me surnommer.