En 2008, lors de mon arrivée en Lozère je suis encombrée de trois chevaux sans point de chute pour eux !
Il y a Imala, ma douce jument blanche barbe-arabe, et Phoebus et Juliette, deux chevaux américains de même mère offerts par ma sœur allemande Ute. Phoebus n’a que trois ans à l’époque et n’est pas encore débourré.
Nous trouvons des petits prés de fortune pour caser ce beau monde, mais très vite ils s’offrent de multiples escapades et nous courons les bois pour les récupérer après la journée de travail.
Après le premier épisode cévenol de ma vie (tempête, pluie diluvienne, rivières qui montent à toute vitesse, impression de fin du monde…) nous retrouvons les chevaux dans l’eau, leur pré inondé.
La décision s’impose : nous les mettrons en pension sur le causse Méjean.
Le budget est lourd, et après le débourrage de Phoebus nous nous résignons à ne garder que deux chevaux, un chacun à monter…
Nous sommes alors confrontés à un choix cornélien.
Qui laisser partir ?
Pour Imala il n’en est pas question, c’est depuis toujours ma jument de coeur.
Phoebus est chargé de promesses, très maniable et confortable.
Juliette, 12 ans à l’époque et pleins papiers a un avenir de poulinière, je me résigne donc à la vendre, le cœur lourd.
Une jeune tchèque est intéressée, Juliette partira vers l’Est…
La-bas elle va faire une jolie pouliche palomino, avant d’être vendue à un kolkhoze pour garder des vaches !
Ute et moi avons toujours gardé sa trace et correspondu avec ses différents propriétaires.
Et voilà qu’en mars 2019, deux ans après la mort d’Imala, je tombe sur une annonce : Juliette est en vente, sa propriétaire a quitté le kolkhoze et fait un enfant, elle ne peut plus la garder !
J’hésite. J’ai peur d’assumer un autre vieux cheval, après la perte d’Imala.
Ute quant à elle n’hésite pas, elle part la chercher en Tchéquie et la ramène chez elle.
En avril je pars chez Ute à côté de Trêves, et je retrouve Juliette. Nous nous reconnaissons immédiatement, je la monte en ballade et c’est comme si c’était hier, nos codes sont intacts et c’est fluide ! Elle a une bonne patate pour son âge, volontaire et rapide, super sûre. Rien d’un vieux cheval!
À ce moment je suis encore en lutte avec moi-même, ma tête me dit qu’un cheval de 22 ans ça n’est pas raisonnable, mon cœur veut Juliette. J’ai peur et je sais que c’est juste en même temps.
Le lendemain je vais voir Juliette seule dans son pré, je pose ma main sur elle, nous fermons toutes deux les yeux et nous voilà en transe. Juliette me dit clairement qu’elle veut venir avec moi pour être cheval médiateur au centre Imala. Qu’elle a de l’expérience, du calme, du charisme. Qu’elle est la jument dominante que je cherche depuis que je suis privée d’Imala.
Je rouvre les yeux, un peu sonnée. Mes peurs sont parties. Je la ramènerai ici, peu importe ce que ça durera, nous aurons du bon temps et nous en profiterons. Je rends les armes !
Un peu plus tard j’avoue à Ute que j’aimerais bien la récupérer finalement, elle éclate de rire et me dit qu’elle le savait depuis le début !
Juliette entame la suite de son long voyage, d’abord de l’Allemagne vers l’Auvergne, où elle reste trois semaines chez un ami éleveur, en attendant que je sois en vacances ce qui me laisse du temps pour aller la chercher.
Avant hier j’ouvre la porte du van et je fais sortir Juliette, et après une nuit dans un petit parc pour sentir les trois autres chevaux, elle me signifie au matin qu’elle est prête et que je peux ouvrir la porte.
Elle gère les cavalcades qui s’ensuivent sans panique, et dès l’après midi tout est calme dans le pré, c’est incroyable mon dominant de Phoebus a reconnu sa sœur et l’accepte !
Tout est donc en place, le quatuor de chevaux médiateurs est prêt à officier !